“Un disque absolument magnifique !”

“L’Odyssée d’Homère m’accompagne depuis l’enfance. C’est en en faisant la lecture à mon fils durant la pandémie de 2020 que j’ai redécouvert, sous un éclairage nouveau, certains passages du poème homérique. Peu à peu, des mélodies me sont venues qui se sont muées en ritournelles obsédantes. Le répertoire s’est constitué progressivement en retranscrivant, durant plusieurs mois, ces partitions intérieures directement inspirées des aventures d’Ulysse.

Chaque étape tracée sur la carte du voyage d’Ulysse construit un élément de réponse à la quête de l’identité de soi et interroge la condition humaine. C’est pourquoi la trame chronologique ne me semblait pas être la plus adaptée pour rendre compte de la multiplicité des registres de L’Odyssée et de la richesse de ses questionnements. Ulysse apparaît comme le héros d’une épopée de l’absence, de la perte, du retour qui ne cesse d’être repoussé. J’ai donc choisi de me situer après son retour à Ithaque, lorsque le héros doit reconquérir son identité alors qu’il est devenu « Personne » — c’est ainsi qu’il se présente au Cyclope Polyphème. Le récit musical est ainsi composé des réminiscences de son périple.

Le thème d’Ulysse, écrit pour le piano seul, ouvre l’album et constitue son leitmotiv ; il revient trois fois, sous forme de variations. Il concentre les nombreux états émotionnels du héros, particulièrement ses doutes, ses peurs, mêlés à l’irrépressible désir de les affronter, de retrouver Pénélope et les siens. Je me suis concentré sur les principales épreuves et périls surmontés par Ulysse, à travers lesquels l’homme se construit en trouvant ses limites, en abandonnant l’orgueil et la vanité, en faisant siennes les forces adverses, en réactivant la mémoire de ses origines, de son foyer et de ses traditions.

Comprendre L’Odyssée nécessite un cheminement intérieur qui permet de revenir au monde par la connaissance de soi, de transformer les apparences, de dépasser les dangers que représentent le regard déformateur de l’autre et le reflet trompeur du miroir. Ainsi le chien Argos reconnaît son maître alors qu’il revient après vingt ans d’absence sous les traits d’un inconnu. Ce chant, c’est le récit d’une révélation progressive de l’identité profonde. Quant à la partition qui l’accompagne, que j’ai travaillée durant plus d’une année, c’est à l’auditeur de lui trouver un sens et des correspondances qui lui sont propres. ”